AL-NAMROOD (Black metal oriental - Arabie saoudite)

NarcotizedAL-NAMROOD / DHUL-QARNAYN / AYYUR
"Narcotized"
Split ep
Arabie Saoudite / Barhain / Tunisie
Black metal oriental
Salute Records, 2008

 

Bien trop souvent le black metal n'est pratiqué que par d'auto-proclamés « guerriers » qui luttent contre un ennemi qui n'existe plus, ou alors en prenant bien peu de risque. Il n'en est pas de même avec les trois groupes réunis ici sous l'étendard de Narcotized. En effet, ces trois formations proviennent toutes de pays musulmans et sont ouvertement anti-islam, comme nous le précise explicitement le croissant barré au dos, et cette pochette avec des musulmans agenouillés dans une mosquée. La pochette est surplombée par le titre « Narcotized » nous rappelant que la religion dans les pays non-laïques reste un opium pour le peuple et qu'elle est oppressante lorsqu'elle se mélange à la politique comme c'est le cas dans ces pays. Ce split résonne comme un véritable manifeste du black metal oriental et de son combat envers la religion, notamment au nom de l'histoire pre-islamique de ces terres. Si le black metal est chez nous un style à la mode qui a perdu authenticité et intégrité, se muant souvent en une simple expression d'une pseudo rébellion ou encore traduisant la recherche d'une personnalité, la scène black metal dans les pays musulmans semble porter fièrement l'étendard du black metal. On peut désormais parler de scène car bien qu'encore peu nombreux, des formations ont émergé des quatre coins de l'Orient ces dernières années. Ces groupes sont dans la clandestinité et sont doublement coupables aux yeux de l'Etat, coupable d'une part d'importer une musique occidentale, mais évidemment surtout de critiquer violemment la religion et d'y opposer, non pas tant une vision d'émancipation à l'image de l'Occident déspiritualisé agenouillé devant le dieu de la consommation, mais une certaine conception métaphysique à partir de leur racine pre-islamique. Ces groupes adaptent donc le folklore black metal avec brio à leur culture qui ne se résume absolument pas à l'Islam.

Rendons hommage au label underground suédois Salute Records d'avoir édité ce split en décembre 2008, de façon certes limitée avec seulement 100 copies: 60 au format cd-r et 40 au format Tape. Habituellement les groupes de black metal oriental sont plutôt édités sur des labels locaux, souvent autoproduit. Il est à noter que beaucoup de ces formations diffusent leur production au moyen du libre téléchargement. Depuis, Salute Records a également édité les productions de Nazhand, un groupe de black dépressif d'Iran. En tout, c'est une soixantaine de productions de tous pays qui ont vu le jour sur ce label depuis 2008.

www.myspace.com/saluterecordsofficial

C'est AL-NAMROOD, groupe d'Arabie Saoudite fondé en 2008, qui inaugure ce manifeste avec le morceau "Barzakh", un terme qui évoque un lieu intermédiaire après la mort précédent le jugement dernier. Al-Namrood désigne en arabe le "non-croyant". Son étymologie provient de la légende de Nimrood, un roi diabolique qui aurait fait construire la tour mythique de Babel. "Barzakh" prolonge parfaitement le style inauguré sur le ep "Atba'a Al-Namrood" sorti quelques temps avant le split, en juillet 2008 et limité à 1000 copies numérotées avec la mention de "oriental black metal": du black metal imprégné de ce qu'il faut bien désigner comme du folk oriental puisque on y entend bien des sonorités orientales. L'atmosphère qui en émane est plutôt mystique et leur black metal se révèle efficace et intéressant.

Depuis un premier album "Astfhl Al Tha'rà" a vu le jour fin 2009, à nouveau sur Shaytan Productions (www.shaytanproductions.com), un label spécialisé dans le black metal oriental existant depuis 2007 avec 4 productions à son actif, au patronyme désignant le mal et l'équivalent du diable dans la culture arabe.

www.myspace.com/alnamrood

 

DHUL-QARNAYN qui prend la relève fait également partie des groupes promus par Shaytan qui a justement sorti sa précédente production " Jilwah", peu avant ce split, le 31 octobre 2008 pour être précis. "Jilwah" signifie "révélation" en arabe et la révélation dont il s'agit est celle de Melek Taus (les adorateurs de Melek Taus sont vus par les musulmans comme des adorateurs du diable) et a pris musicalement la forme d'un seul long morceau ambient rituel ethnique de 27 mn. Mais avec "Suqoor Allah" qui signifie "la chute d'Allah", c'est bien de black metal dont il s'agit: un black metal haineux sans chant toutefois mais son contenu est assez explicite puisque le morceau débute par une longue introduction tonitruante faite de bruits de mitraillettes assez évocateurs. Ce long morceau de plus de 8minute en trois parties se termine par une longue plage atmosphérique sombre assez mystique.

Dhul-Qarnayn est un projet issu du royaume de Barheïn, situé sur un archipel du golfe persique proche de l'Arabie Saoudite. Ce one man band a été crée en 2006 sur les cendres de Qeyamah (crée en 2003), par Learza qui fait également partie d'autres projets comme Kusoof, groupe de black du Koweit et OOPart du black industriel du Mexique où il assure le chant, et également Qafas, un autre projet de funeral doom qu'il a crée en 2009,. Pour compléter le tableau, cette production de Dhul-Qarnayn a été suivie par un ep tribute à Burzum nommé "Det Bur Ulv", comportant 3 reprise de Burzum et un morceau hommage éponyme écrit en norvégien et qui signifie le "loup enfermé". Avant ce split, Dhul-Qarnayn a réalisé 3 demos, et c'est justement de la dernière réalisée en avril 2008 qu'est extraite ce morceau dont le patronyme "Shirk" signifie en fait ce qu'on appelle "Heathenism". Cette fois le tableau est complet: la religion dominante y est attaquée au nom des religions et traditions anciennes, et le Moyen-Orient est une région dont historiquement très riche. En ce qui concerne le nom du groupe celui-ci représetne un personnage désigné dans le Coran comme "l'homme à deux cornes" ou "bicornu". Historiquement, certains pensent qu'il pourrait s'agir d'Alexandre le Grand, mais concernant le mythe il s'agirait avant tout d'un homme tyraniique et fort qui aurait bâti un rempart pour préserver le peuple des villes de Gog et Magog. Le premier véritable album est sorti en décembre 2009 et s'intitule "Dhul-Qarnayn - Thus Death".

www.myspace.com/dhulqarnayn

www.dhulqarnayn.com


Enfin, c'est AYYUR qui lui vient du Maghreb, précisément de Tunisie, qui clôt ce manifeste. Le projet a été formé en 2007, dont récemment aussi, sous forme d'un duo avec Angra Mainyu qui s'occupe de tous les instruments et Asrafil en charge de la batterie. Initialement, le split aurait été planifiée comme une demo de AYYUR qui propose ici deux compositions, et non une comme les deux autres groupes. En fait jusque là AYYUR n'avait pas sorti grand-chose avec simplement un premier ep limité à 20 copies en novembre 2007. "The Queen of Awres" est d'ailleurs une reprise d'un morceau de cet ep. Peu avant leur participation à "Narcotized", un autre split est sorti en 2008 aux côtés de Terre et Neige (aucune info disponible...) et de Sadistik Vision qui n'est autre qu'un projet solo de black metal et dark ambient par Angra Mainyu. La musique de AYYUR tranche par contre avec celle des deux autres groupes où l'on trouvait des sonorités orientales, et un côté mystique. Il s'agit ici d'un raw black un peu brouillon, pas très original par rapport à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Le titre "Proud slave" exprime clairement ce que pense le groupe de la religion de son pays, reprenant des idées à la fois répandu dans le black metal sur la faiblesse des croyants, sauf qu'ici Ayyur se dresse contre des adversaires réels et non contre une religion déclinante comme le christianisme qui n'a plus de poids en Occident.

Par contre au niveau des thèmes, AYYUR se distingue de ce qui se fait en Occident. Ayyur désigne la Lune mais sous l'aspect divin qu'elle recouvre dans la tradition Berbère. D'ailleurs, c'est bien de l'identité berbère qu'il s'agit à travers les thématiques exprimées par AYYUR, comme pas mal de formations black metal du Maghreb (pensons à Barbaros) à tel point que AYYUR s'est paradoxalement fait catégorisé de NSBM (assez ironique quand on sait que bien des groupes "ns" ne veulent pas entendre parler de black metal hors de l'Occident), sûrement pour le côté hégémonique de cette ancienne grande culture, des critiques émanant, si l'on en croit le communiqué du groupe, d'Algérie et du Maroc; une situation qui rappelle les procès d'intention qui ronge l'Occident et la "modernité". Cette revendication des racines berbères est un aspect assez caractéristique des groupes de black metal des pays musulmans, qui réalimente ainsi de vielles guerres historiques opposant les berbères (peuple originel) et les arabes. Ayyur se défend en soulignant son intérêt pour la culture et l'histoire de ces terres indépendamment d'une quelconque histoire de races, et répond aux absurdes accusations de nazisme (décidément cette manie de jeter un anathème s'est bien exportée...) en rappelant l'existence d'une section musulmane intégrée aux SS: "We are interrested in the Mythology and the History of this land, nothing more. Also, we receive emails from some people, Accusing us of traitress cauz we did a split with some bands from the east, also because we are against the religious slavery, especially Islam : "Take a look to the Handschar Division, the North Africans and Bosnians muslims soldiers envolved in the SS Army"...

www.myspace.com/ayyur


Ce split mériterait une meilleure visibilité que les quelques 100 copies diffusées et semble annoncer une tendance intéressante dans le black metal. Ce n'est évidemment pas le fait que ces groupes semblent sorti de nulle part qui éveille l'intérêt, mais bien l'intégrité qu'on y sent et le fait d'avoir importer un folklore propre à un style et de l'avoir adapter avec brio et authenticité tant au niveau conceptuel et textuel (que je ne peux que vous invitez à creuser) que musical et de lui avoir redonner un sens. Ma préférence au sein de ce split se porte à ce titre plus sur les deux premiers groupes qui musicalement ont une vraie personnalité. Ce manifeste aurait toutefois mérité une longueur bien supérieure aux 20 minutes proposées...

Actuellement, de nombreuses formations émergent dans ces pays bien loin de notre black metal de plus en plus insipide, vidé par l'effet de mode et par des individus qui n'ont rien d'une élite, trop englués qu'ils sont dans la masse par leur attitude. Je ne peux que vous conseiller de surveiller les formations émergentes des pays arabes...

Adnauseam

 

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