COLLOQUIO
"Si muevo e Ride"
Dark intimist music, Italie
Eibon Records, 2007
J’avais découvert Colloquio par sa participation en 1996 à la compilation Dissolution Fahrenheit édité par Eibon Records en collaboration avec l’Alternative Dramatique. Les 3 morceaux proposés ne m’avaient alors pas marqué et je n’avais pas creusé ce projet qui existe qu’en même depuis 1993 et qui a sorti 5 albums cassettes autoproduites entre 1993 et 1995, et deux albums, le premier autoproduit en 1997 et le second en 2001 sur Eibon, le label crée par Mauro Berchi de Canaan en 1996. Depuis 2001, le projet solo de Gianni Pedretti était en sommeil mais il a tissé des liens de plus en plus développé avec Canaan. Gianni a participé à plusieurs occasions à Canaan en apportant d'abord son chant sur deux morceaux sur l’album A calling to weakness en 2002, puis à nouveau sur deux morceaux de The unsaid words en 2005. Chacun étant satisfait de cette collaboration, celle-ci a abouti à un véritable projet commun réunissant les membres de Canaan et Gianni nommé Neronoia qui a sorti un premier album en 2006 Un mono in me, puis Il rumore delle cose en février 2008. Neronoia a même éclipsé Canaan puisque Mauro confiait en 2007 que Canaan était en sommeil et que la priorité était Neronoia… Si mueve e ride est donc sorti en juin 2007 donc entre les deux albums de Neronoia et marque ainsi le retour de Gianni à ses créations personnelles.
On y retrouve le style musical très particulier bâti avec les précédentes productions. Je n’ai pas creusé l’ensemble de la vaste discographie de Colloquio, mais les morceaux disponibles sur le site du groupe ainsi que sur la fameuse compilation Dissolution Fahrenheit semble confirmer que Si Muevo e ride incarne parfaitement Colloquio, contrairement à ce que pourrait laisser croire la courte introduction bruitiste de l’album. Je dirais qu’au premier abord, ce projet est assez déstabilisant dans la scène "dark". L’atmosphère est incontestablement désenchantée et on retrouve un style ici largement développé qu’on a pu trouvé uniquement sur certains morceaux de groupes de la scène dark italienne comme Canaan, Nenia et d’autres : des morceaux calmes, narratifs et très dépouillés, avec une atmosphère vide et intimiste. Peut-être est-ce d’ailleurs Gianni qui a lancé ce style ? On reconnaît d’emblée son chant particulier, parlé, à la fois désenchanté et un peu chaleureux, qu’il distille dans Canaan et Neronoia, accompagné ici d’une musique minimaliste avec du piano et du synthé, quelques programmations discrètes en fond et percussions sonnant trip hop. Pour cet album, Gianni est aidé par Sergio Calzoni pour les synthés et programmation. Il y a également en guest quelques guitares acoustiques sur certaines parties de quelques morceaux exécutées par deux membres de Actnoir (dont Eibon sortira le second album en 2010), et ces parties apportent justement un côté plus accrocheur et aéré à l’album.
Colloquio est présenté sous l’étiquette dark-wave. Les nappes froides pourraient y faire penser. Mais il n’y a pas ici de sonorités éthérées. La musique émane bien plutôt une sorte de vide mais sans tragique et un enfermement. La musique est calme, minimaliste et sans élan. L’ambiance n’est pas suicidaire ou dépressive mais vraiment blasée. Elle traduit un désarroi du quotidien et l’a lourdeur de l'ennui, comme l’exprime bien la pochette de Va Tutto Bene, le précédent album. Malgré cette qualité conceptuelle, je trouve la musique de Colloquio émotionnellement assez vide et assez plate, peut-être est-ce ce vide émotionnel qu’il s’agit d’éveiller ? Cette mouche qu’on entend voler sur "Nel domani" ou qui se pose sur la main de Gianni dans la pénombre sur la pochette, exprime bien l’atmosphère de cette musique où on entend les mouches voler... La musique de Colloquio ne m’a, il faut bien le reconnaître, pas vraiment parler ni toucher émotionnellement. Mais peut-être aussi qu’elle s’adresse avant tout aux italiens, les textes étant intégralement en italien, ainsi que le site web, car je devine que les textes sont poétiques et touchants. L’atmosphère est celle de ce genre de films introspectifs aux échos existentiels, où il ne se passe pas grand-chose au niveau de l'action mais qui sont existentiellement chargés.
Le précédent album était présenté comme une rencontre entre Depeche Mode et Le Masque. Concernant Depeche Mode, c’est sûrement pour les bidouillages electroniques mais s’il n’y a rien dans Colloquio de dansant ou rythmé. Et concernant Le Masque, il s’agit d’un groupe italien qui a sorti en 1986 un single intitulé Colloquio. On devine que ce morceau est à la source du choix du patronyme par Gianni : on y retrouve des voix narratives, déclamatoires et poétiques sur une musique atmosphérique rappelant le courant cold wave synthétique présent sur la compilation culte Unreleased III. Par ailleurs, "Colloquio" signifie d'ailleurs "entretien": la musique de Colloquio serait alors des entretiens sur la vie. En tous les cas, Mauro Berchi semble adorer la musique du groupe qu'il présente comme évocatrice de la faiblesse de la vie humaine : " Nobody sounds and sings the inadequacy of this life like Gianni does. There's something more than mere "music" in his records and there's more than simple "poetry" in his words […]. Those who are aware of the stature of this band, will greatly enjoy. The other ones, well...". Mauro émet donc une réserve sur l’unanimité première de la musique de Colloquio, ce qui explique peut-être qu’on puisse y rester imperméable tout en reconnaissant qu'elle a une atmosphère particulière.
Je pense que la musique de Colloquio est avant tout une musique à textes, et qu’on apprécie ainsi mieux la musique et l’atmosphère qu’elle distille en comprenant les textes…
Adnauseam