Control
Anton Corbijn
Royaume-Uni, 2007
2h
Contrairement à beaucoup de film, la fin de Control est déjà connu d'avance puisqu'il raconte la véritable histoire de Ian Curtis, le chanteur du groupe mythique de post-punk/cold-wave JOY DIVISION à l'impact majeur sur la scène rock, qui a fini par se pendre dans sa 24ème année, le 18 mai 1980.
Le film débute avec un Ian adolescent et va jusqu'à sa mort. Evidemment, on assiste aux différents événements marquant de la courte existence de JOY DIVISION mais le film s'axe principalement sur Ian, les autres membres étant assez effacés, voir pas très futés, en tout cas très souvent dans les vapes. C'est également ce qui ressort de Ian Curtis. Il ne faut pas s'attendre ici à un film "sex, drugs and rock n' roll"; les membres du groupe prennent des produits, on le voit dès le début, mais ce sont des mélanges de médicaments plutôt que des excitants. Ils semblent même avoir une vie assez rangée pour l'époque punk. Ian Curtis en est le fait le plus marquant; il se marie assez rapidement en 1975 à 19 ans, presque sur un coup de tête ("et si on se mariait?"), puis enchaîne quelques années après avec un bébé... Justement le film est un peu hors du temps: quelques années peuvent s'écouler en quelques minutes, tandis qu'un laps de temps court, à savoir la dernière année de sa vie et sa rencontre avec Annicke avec qui il entame une relation extra-conjugale en 1979, est beaucoup plus étendue. D'ailleurs le film met peut-être trop l'accent sur son choix impossible entre son aimée Annicke et sa femme Deborah, somme toute assez banal. Cela provient peut-être que Deborah est co-productrice du film et que celui-ci est en partie basé sur la biographie qu'elle a écrite en 1995. Pourtant, en arrière-fond, comme son nom l'indique, c'est un peu un film sur la perte de contrôle, en écho à l'excellent morceau "She's lost control",. Le film montre en effet que Ian perd de plus en plus le contrôle de sa vie (l'a-t-il d'ailleurs contrôlé, il a peut-être cerné le côté existentiel du contrôle), avec ses crises d'épilepsie de plus en plus nombreuses, le succès et l'exigence de ses fans, son impossibilité à gérer ses deux relations amoureuses;. En tout cas, le film force à réfléchir sur le contrôle, ça c'est certain. Le film est tourné en noir et blanc, dans des tons gris, à l'image de la vie grisâtre de Ian, une personnalité au final assez hors du commun, ne serait-ce que sa poésie, ou encore sa danse frénétique sur scène, et surtout ce groupe vraiment décalé dans cette époque punk que fût Joy Division. Justement, le film ne met également pas assez en évidence ce fait, l'imagerie du groupe ayant fait pourtant coulé un peu d'encre à l'époque, car même si on apprend pas mal de choses sur Ian et Joy Division, notamment le contexte dans lequel sont nés les différents morceaux cultes du groupe, on n'apprend pas pourquoi le groupe a choisi comme patronyme le nom utilisé pour désigner les bordels des soldats allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale par exemple, ou encore le premier nom du groupe "Warsaw"(Varsovie)...
Au final, il s'agit toutefois d'un bon film, parsemé de nombreux morceaux du groupe et qui à l'avantage de rompre totalement avec les films rock n'roll et excentriques comme ceux sur les Sex Pistols ou The Doors. Mais le film, je le répète, n'insiste peut-être pas sur les décalages profonds de Joy Division par rapport à la scène, qui apparaît plus comme un nouveau groupe de rock à succès, ou encore sur le côté grisâtre de Ian. On a l'impression que tout est en creux, basé sur le non-dit ou le sous-entendu.
Adnauseam