La possibilité d'une île (2008)

La possibilité d'une ile La possibilité d'une île
Michel Houellebecq
France, 2008
1h28

 

On entend assez souvent  que les romans portés à l’écran génèrent parfois des déceptions chez ceux qui ont lu le livre… Pour La possibilité d’une ile, ce genre de soupçons peut facilement être levé puisque c’est Houellebecq lui-même qui a porté son roman à l’écran.  J’avais grandement apprécié la version film de Les particules élémentaires. Malgré quelques petites égratignures au roman (en gros le tableau est légèrement moins noir) au scenario, on retrouvait bien l’atmosphère du roman et le scenario était bien suivi… A peine sorti de ma lecture de Extension du domaine de la lutte, un roman qui restera peut être culte vu son regard lucide sur notre époque, qui avait mis Houellebecq sur le devant de la scène littéraire à sa sortie en 1994, creuser son œuvre s’imposait plus que jamais…  Face aux 500 pages du roman, je me suis dit que me plonger directement dans l’œuvre par le bais de son adaptation serait une bonne chose vu la qualité du film Les particules élémentaires… Et puis autre argument, le personnage principal est ici incarné par Benoit Maginel qui avait fait une belle prestation dans La pianiste aux côtés d’une Isabelle Huppert démente.

Ma première impression après un premier visionage du film sans avoir lu au préalable le roman, malgré d’évidentes bonnes idées,  a été un certain ennui, et le manque de repères pour bien saisir certaines scènes qui ne sont à l’évidence pas là pour nous divertir, le film comportant peu de dialogues (ceux-ci étant souvent vides), on s’y perd un peu  surtout sur la fin, même si on comprend les grandes lignes… mais Houellebecq étant tout en finesse, on comprend bien que rien n’est ici au hasard… Un peu désappointé par ce film de 1h25 un peu ennuyeux malgré sa courte durée et son peu de dialogues face à un ouvrage de presque 500 pages, je décide de me plonger dans le dit roman que j’ai trouvé excellent et captivant de A à Z. En refermant ce livre, j’ai eu le sentiment que Houellebecq était non seulement un observateur acéré de notre société moderne, de ses problématiques et des perspectives d’avenir, mais aussi un grand écrivain.

Une fois cela fait, un nouveau visionnage du film s’imposait. Contre toute attente, Houellebecq a modifié lui-même des éléments de l’histoire. Pour adapter un roman aussi touffu, il faut à l’évidence passer certaines scènes sous silence et se recentrer sur le centre de l’histoire.  L’histoire c’est celle de la secte des Elohim qui promet la vie éternelle sous forme scientifique par le biais du clonage et qui s’impose petit à petit face à une société qui fait le culte de la jeunesse et du divertissement.  Daniel1 raconte ainsi son parcours et sa vie aux côté de la secte, en parallèle on a la vision et les commentaires de son lointain descendant Daniel25, à la vie très différente. Le film s’est donc axé là-dessus.

La carrière de Daniel1 en tant que comique qui occupe les 100 premières pages du roman est totalement éludée puisque Daniel1 est différent ici : dans le film il est le fils du prophète (donc il équivaut à Vincent dans le roman), et blasé par la vie, il s’éloigne de la secte pour tenter une vie « normale » hors de celle-ci pour finalement y revenir.  Le film fait abstraction de toutes les problématiques sexuelles, inhérentes au libéralisme, omniprésentes dans les romans de Houellebecq. Le roman présente une secte qui fait l’apologie du libertinage, en phase donc avec notre époque et ce qui en explique le succès. Il n’en est rien ici, cet aspect est passé sous silence, le prophète lui-même ne fait pas étalage de ses libertinages et n’a pas le rôle d’un mâle dominant suscitant respect et hostilité… du Houellebecq donc sans problématique sexuelle, étrange… De plus il y a peu de dialogues et ceux-ci sont vides, alors que le roman est rempli d’observations pertinentes et de commentaires cyniques…  On retrouve juste la scène avec les tops modèles ado provocantes… Malgré cela on retrouve les grandes trames du roman : l’ascension de la secte qui n’est pas ici mis assez en paralèle avec les aspirations de la société, qui fait plus austère en un sens.

La dernière partie du film correspond bien à l’épilogue du roman, avec cette fois la vie de Daniel25 qui part à l’aventure avec de belles images et de l’atmosphère avec de beaux paysages post-apocalyptiques, mais là aussi dans une version bien atténuée par rapport au roman. En fait sans avoir lu le roman on ne comprend qu’en creux cette partie de l’histoire…

Au final La possibilité d’une île version film est un film de science fiction au sens originel du terme de « film d’anticipation » (donc plutôt dans la lignée des Fahrenheit 451 ou 1984, et non de film de divertissement-gadget genre Le cinquième élément) qui à partir des problématiques actuelles explique l’ascension d’une secte d’un nouveau genre qui aura un impact sur le futur.

Adnauseam

 

 

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