"The call of the wretched sea"
Funeral doom death
Allemagne
Naplam records, 2006
AHAB est une formation qui au premier abord témoigne d’une forte identité puisque le monde de AHAB n’est un monde qui n'est emprunt ni de satanisme, ni d’occultisme, ni de paganisme, ni d’histoires de viking, ni même de Lovecraft ni même du monde de Tolkien tristement pillé aujourd’hui par de nombreuses formations médiocres. Non, AHAB a compris qu’il serait bon de puiser ailleurs, et c’est dans le monde de Herman Melville et de son conte philosophique "Moby Dick", jusque là jamais exploité que AHAB a puisé la partie non musicale de son oeuvre. Le patronyme même du groupe est le nom du personnage central de ce conte, un capitaine de navire absorbé par son obsession diabolique et délirante de pourchasser et tuer une baleine qu’il personnifie, défiant par là Dieu, et entraînant l’ensemble de l’équipage dans une lutte absurde et fatale avec cette baleine comme l’illustre bien la pochette.
AHAB entend donc donner une interprétation musicale à ce conte au moyen d’un funeral doom/ death lent et lourd comme il se doit, une façon d’exprimer le tragique et le rapport au destin fatal que seul le doom peut parfaitement exprimer, association d’un concept et d’une musique exploitée depuis leur récent début en 2004 avec le single "The stream" ainsi que la demo "Ahab’s oath" où le morceau éponyme, qu’on retrouve sur ce premier album, inclus des textes de Melville. Cette ambition est en fait née dans l’esprit des deux guitaristes du groupe de gothic metal MIDNATTSOL, groupe formé par la plupart des anciens membres d’un groupe de dark metal allemand nommé PENETRALIA, avec la norvégienne Carmen Espenaes (sœur de Liv Kristine) au chant et qui officie donc dans une autre contrée.
AHAB se définit comme du funeral doom, et Napalm semble se délecter de cette étiquette manquante à son catalogue en plein essor dans l’underground mais le style reste essentiellement du doom death je trouve, le terme "funeral" soulignant l'aspect uniquement lent et lourd de leur musique et le terme doom prenant des formes de plus en plus larges (jusqu'au noisy doom, sludge, etc) cette étiquette permet de situer. Il n’y a évidemment pas d’accélérations death, mais on a bien l’impression d’être dans le doom death vieille époque sans le coté death de l’époque ni d’aspect gothique. La musique est lourde et pesante et le chant est vraiment très grave, un peu trop même, mais on est loin de l’actuelle vague de funeral doom et de ses prolongements ambiant, il faut plutôt parler avec AHAB de doom massif. La démarche pour restituer l’atmosphère étrange de ce livre et son adaptation cinématographique (qu’on peut étrangement voir en période de fin d’année) est plutôt réussit: chacun des sept longs morceaux commencent calmement mais un calme qui laisse présager une tempête, il y a quelque chose qui plane puis une musique lente et lourde, écrasante comme le destin, survient, avec un chant très profond et des mélodies tragiques. Ca commence donc bien mais le problème de cet album, c’est que malgré un ensemble bon et de bons passages, on tombe parfois dans une certaine monotonie au cours de ces 67 minutes. Niveau doom, on a parfois un coté doom/ death comme sur le premier Paradise Lost sur quelques passages, ou encore évidemment le premier Cathedral comme sur le passage de fin de "The hunt" ou du My Dying Bride première époque comme sur la mélodie de "Ahab’s oath", mais on ne tombe aucunement dans le doom atmosphérique ou gothique; AHAB reste dans le doom / death massif.
La question qui se pose à la fin de cette chronique, c’est celle de savoir si AHAB fera sa carrière à partir du monde de Melville qu’il développera et dissèquera comme Summoning l’a fait avec Tolkien.
Adnauseam