DÖDSÄNGEL
Helgrind
Autoproduction 2009
Female black metal, Canada/Norvège
Tout d'abord, ne confondons pas Dödsängel avec Dodsengel, autre groupe de black metal norvégien, les 2 signifiant "ange de la mort", le premier en suédois, le second en norvégien. Dödsängel bien qu'ayant un patronyme en langue suédoise est un projet localisé en Norvège qui a la particularité d'être un one-woman band dirigée par Trish, qui malgré son apparence des plus scandinaves est canadienne à la base et a (eu) un pied en Suède pour des raisons professionnelles. J’ai découvert Dödsängel, quasi en même temps que Anguished à la sortie de Cold en 2010, les deux projets ayant en commun d'être des one-woman band officiant dans le black metal. Ce genre de "groupe" est suffisamment rare pour s’y intéresser, même si de plus en plus de femmes s’aventurent avec réussite en tant que musiciennes dans le black metal.
La première chanteuse et leadeuse black metal que fût Cadaveria avait ouvert une voix glorieuse dès 1992 et publiquement dès 1995 avec le mémorable The Call of the Wood, avant de s'égarer après son départ de Opera IX en 2001. Finalement peu de filles lui ont emboité le pas dans les années 90. Depuis quelques temps, on voit apparaître des groupes de black totalement féminin, parfois de pays inattendus. Là aussi la voie a été ouverte dès 1998 et glorieusement avec Astarte mené par Tristessa qui progressivement a toutefois abandonné la formule 100% féminine et qui a disparu tragiquement en août 2014. Il y a eu aussi les japonaises de Gallhammer dès 2003, là aussi avec succès, dans un registre plus "punk" dans l'âme. Et depuis peu, on voit apparaître des one-woman band, le black metal n’étant pas un style technique, mais n'oublions pas qu'à la base de ce style, il y avait bon nombre de projet avec un seul protagoniste (à commencer par le maître Burzum).
Mais si Anguished et Turdus Merula ont placé sous leurs ordres un batteur de session, Dödsängel n’a pas eu ce service à quémander car son instrument de prédilection et avec lequel elle a fait ses armes est la batterie. Bien qu'originaire du Canada, Trish a d'ailleurs fait ses preuves dans plusieurs projets scandinaves reconnus : Nattefrost (projet de Carpathian Forest), Skitliv (groupe de Maniac, après son départ de Mayhem), Isvind (vieux groupe norvégien qui s'est reformé), et dernièrement Mök (anciennement Moonlore, projet intéressant) et les sollicitations emblent continuer d'affluer.
J’ai toujours pensé que les filles avaient beaucoup à apporter au black metal et aux musiques extrêmes en tant que musiciennes, à l'inverse des groupies qui ont fleuri avec la popularisation du black metal et qui ont contribué à plomber l’esprit originel du black metal et à favoriser le développement de groupes de dixième zone sans personnalité (le black étant probablement impressionnant de l’extérieur mais techniquement accessible à tous).
Revenons à Dodsangel. Musicalement, on ne pourra pas parler d’un style féminin de black metal, si ce n’est bien-sûr au niveau du grain vocal particulier des voix black metal féminines, ce qui en fait d'ailleurs l'intérêt. Dösangel n'officie par dans un style dépressif ou torturé et ne se rapproche donc en rien de sa collègue finlandaise de Anguished. Dödsängel ne s'inscrit pas non plus dans les styles privilégiées par les autres demoiselles du black metal : occultisme ou pagan. La musique de Dödsängel se rapproche bien plus de celle de Gallhammer dans l'esprit. Le black pratiqué par Dodsangel est volontairement basique, sans effets modernes (synthé) et d'inspiration clairement old school, mais là où les effets de mode orientent souvent ce style vers quelque chose de rock n'roll, Dodsangel a su en conserver la substantifique moelle : du black avec un son crade, des riffs evil et tranchants, et une voix vicieuse, sans jamais tombé dans du bourrin incipide. "Wolven Hatred" pourrait par exemple évoquer le "Deathcrush" de Mayhem avec un son à la Bathory époque "The return". Les huit morceaux proposés en 31mn sont accrocheurs, sans fioriture et directs, tout en se distinguant bien les uns des autres et tout en dessinant l'identité de Dödsängel. On pourrait songer un peu aux suédois de Tyrant avec "Reclaim the Flame" en plus direct, en moins lourd et plus tranchant.
Régulièrement sollicitée pour assurer la batterie dans des groupes de black scandinave, Trish n'a visiblement pas le temps de se consacrer à son propre projet, ce qui est dommage, vu la qualité de cette unique demo qui a une place de choix parmi les productions de black metal féminin.
Adnauseam