Dark orchestral music, France
Chroniques :
A World in their Screams (2007)
Dark orchestral music
France
Holy Records, 2004
Un album d'Elend est toujours un chef d'œuvre. Ici pas d'imposture musicale: non seulement il ne s'agit pas de musique atmosphérique orchestrale à deux effets mais surtout ce n'est jamais une pale copie de ce qui existe déjà. Elend ne peut ainsi que porter la scène vers le haut par chacune de ses réalisations. Sunwar the dead est le sixième album de Elend, qui a beaucoup évolué depuis sa première réalisation, Leçons de Ténèbres, en 1994.
Plus précisément, cet album constitue le deuxième du second cycle de Elend. Le précédent album, "Winds Devouring Men" en 2003, marquait un retour après cinq années de silence, et témoignait d'un changement dans la carrière du groupe puisqu'il se révélait avant tout beaucoup plus posé et calme après le très tourmenté et violent "The Umbersun" en 1998. "Sunwar the dead" constitue également une évolution tout en conservant une fois encore les acquis. Cet album est certes moins calme que son prédécesseur pourtant il reste dans cette nouvelle lignée. Il n'y a, par exemple, pas de retour aux voix hurlées proches de voix black tourmentées. Les voix se maintiennent dans le très bon registre inauguré avec "Winds Devouring Men", avec une voix claire proche d'un Brendan Perry de la bonne époque de Dead Can Dance, une voix donc assez désenchantée, auxquelles s'ajoute des choeurs féminins de qualité, de retour dans Elend. Après la sérénité de "Winds Devouring Men", une sérénité certes bien désenchantée, celle de la lucidité venue à maturité, on retrouve des atmosphères plus tourmentées, car la sérénité du désenchantement ne signifie nullement l'aveuglement devant le tragique de l'existence, et la sérénité désenchantée devant le tragique n'efface en rien le tragique; les moments de sérénité laissent ainsi toujours place aux moments de tourments.
Cet album s'inscrit donc dans la continuité du précédent mais voit le retour de passages tourmentés. Elend poursuit donc son chemin dans l'exploration du tragique sans jamais se répéter tout en conservant son style unique.
Adnauseam
ELEND
"A world in their screams"
Dark orchestral music
Holy records, 2007
A notre époque où toutes les différentes branches de la scène dark tendent à évoluer vers quelque chose de plus léger, remplie de clichés et par conséquent dans une optique de prêt à consommer, vers quelque chose qui laisse toujours plus la place à un certain aspect cool, à du sombre bon marché qui gangrène ces milieux, ELEND représente vraiment l'alternative, peut-être aussi parce qu'il ne baigne pas vraiment dans toutes ces mouvances.
Je trouve que ce septième album va encore plus loin que les précédents. Si les débuts de ELEND les associait à ses groupes de dark atmospheric inspirés qui prenaient leur source dans le DEAD CAN DANCE de la première époque auquel ELEND avait associé la violence et des voix extrêmes proches du black metal, ELEND avait dès The umbersun évolué vers une musique plus orchestrale et violente tout en se dépouillant des voix black, et c'était là son tour de force. ELEND était ensuite revenu à la naissance après plusieurs années de silence en proposant avec Winds devouring men un album bien moins violent mais emprunt d'une mélancolie réellement désenchantée et mature. Le précédent album Sunwar the dead retournait à quelque chose de plus violent, cette fois-ci encore plus marqué, sans pour autant revenir à des voix d'inspiration black metal, qui n'étaient plus nécessaires à la musique violente de ELEND.
Disons que l'association avec cette scène, mis à part le label, est vraiment dépassée tout comme le rattachement au dark atmospheric. S'il fallait situer ELEND pour définir sa musique incroyablement orchestrale, sombre et tragique, je penserais plutôt à l'industriel martial avec les nouvelles formations que sont TRIARII, ARDITI ou SOPHIA pour les parties orchestrales, à la différence majeure que la musique de ELEND est bien plus complexe et diversifiée, sans le côté martial, se passant ainsi du cliché des roulements de tambours, et ne baignant pas dans le même folklore. On peut également songer à la bande sonore du film "La Malediction" (1976) notemment par les choeurs. Les textes de ELEND sont d'ailleurs très forts, et bien loin d'être clichés. Cette fois-ci, ils sont intégralement en français, solennels et très bien rédigés. Sans la barrière linguistique et avec une compréhension immédiate, leur musique est encore plus prenante. Par ailleurs, les voix ont encore une fois évolué, la voix masculine désenchantée à la DEAD CAN DANCE a cédé la place à des voix basses masculines parlées qui de part leur contraste avec la musique orchestrale et grandiloquente créent un effet encore plus oppressant. C'est d'ailleurs les contrastes qui rendent la musique de ELEND si prenante, avec des parties calmes très menaçantes qui cèdent la place à des explosions, à des cors écrasants.
Cette musique faite à base de synthés mais aussi de violons, de cors, de chœurs féminins grandiloquents, de sons dissonants qui en font une musique profonde incarne vraiment l'essence du tragique comme peu de formations, qui incarne toujours aussi bien les gravures de Gustave Doré dont ELEND avait paré le livret des Ténèbres du Dehors en nous y plongeant comme jamais et ce malheureusement pour la dernière fois avec ELEND mais leur nouveau projet ENSEMBLE ORPHIQUE devrait garder cette émanation tragique…
Adnauseam