GAE BOLG AND THE CHURCH OF FAND
"John Barleycorn Must Die"
Dark folk orchestrale
France
Cynfeirdd, 2000
Gae Bolg est de ces groupes novateurs qui mettent en péril les classifications par courants musicaux. Rangé à défaut, dans le courant dark folk, pour l’ancienne participation d’Eric Roger au groupe de Tony Wakeford, Sol Invictus, le groupe n’a pourtant que peu de lien parfois avec la musique et les thématiques de ce sous style.
Le premier album de Gae Bolg, John Balleycorn must die, permet encore de voir quelques liens avec l’indus-martial, notamment par la présence accentuée et envahissante de percussions lourdes, et de timbales fracassantes, mais laisse déjà augurer l’ingéniosité et la particularité de ce groupe inclassable.
L’album, précédemment difficile à trouver, a été réédité l’an passé (2008) sur le label d’Eric Roger (Le Cluricaun), avec une pochette cartonnée ornée de calligraphie, hélas, un peu cheap.
Visiblement passionné par la période médiévale, le chant grégorien, et les ritournelles étranges, Eric Roger construit une ambiance qui lui est propre, mélangeant avec un anachronisme de bon goût des éléments d’époques bien différentes, une spécificité du groupe qui en usera jusqu’à pantalonnade.
Les parties de percussions lourdes, très présentes sur cet album, font moins référence au XXème siècle (comme c’est plus souvent le cas pour les groupes de cette scène), qu’à des processions moyenâgeuses, mystiques ou guerrières.
L’ajout d’une orchestration assez léchée (trompette du Sire Eric Roger, beaucoup de flûtes (traversières, bois) et quelques cordes, hélas, réalisées au synthé), permet d’étoffer une pâte sonore, en lui donnant clairement un aspect orchestral grandiose.
La voix d’Eric Roger, vient ensuite se poser sur ces thèmes grandiloquents, singeant avec habileté l’ancien français, et le ton d’un chant moyenâgeux. Une intonation d’une inspiration très historique, mais qui pourra surprendre l’auditeur non averti.
Après une introduction sous forme de petite ritournelle un peu magique et fragile ("Montségur"), l’album aborde cette recette orchestrale avec succès dès le second titre "La marche des morts". L’album continue ensuite sur sa lancée, d’une manière assez homogène d’un titre à l’autre. Le cinquième titre "Le Jeudi saint" s’ouvre sur une longue plage évoquant très certainement les anciennes processions de missionnaires, avec une touche assez sombre ; le morceau, comblé de voix étranges, se répercutant dans un écho réverbérant digne d’une cathédrale. Le titre suivant « bruniquet », est bien plus joyeux, un peu plus entraînant, s’ouvrant au son de trompettes d’apparat prêtes à accueillir un quelconque souverain. Des petites mélodies frôlant parfois le conte à princesse pour enfants, viennent égrener quelques notes fraîches en suspens, sur ces percussions lourdes. Un mélange réussi !
"Le Gibet", avant dernier titre de l’album, illustre particulièrement bien le « style Gae Bolg » : reviennent percussions redondantes, voies ovales et vibrantes, d’un ton presque grégorien, et trompettes de l’apocalypse, pour un mélange particulièrement réussi. Le huitième et dernier titre, "Larmes de sang", reprend lui aussi ce coté martial (au sens propre et non connoté du terme : rythme de marche), en ajoutant crécelles, trompettes annonciatrices, et voix lointaines, créant une bulle sonore parfaite.
L’ajout par strates fait gonfler le son, créant une sensation d’attente, toujours entretenue. La voie baroque d’Eric Roger, assez claire (alto?), résonnant en interne, avec un fort travail du palais, qui n’est pas sans rappeler les exercices des chanteurs d’opéra, et offre une tentative de novation, dont il serait triste de faire abstraction.
On ne sait parfois plus si le groupe se prend réellement au sérieux, mais la recette est excellente, et prend bien, de façon originale et novatrice. En tout, huit titres assez réussi pour ce premier album.
Nokturnal Clash, 08/2009