"The Haunting Presence"
Black metal dépressif
USA
Debemur Morti, 2007
Krohm est un des fers de lance de cette récente vague qui nous vient des Usa aux cotés de Xasthur, Leviathan, I Shalt Become, Nortt, qui se sont imposés sur la scène black au début des années 2000 (même si certains d'entre eux se sont formés avant), en rupture avec ce qui constituait la veille scène black américaine (Absu, Black Funeral, etc…) qui proposait en fait principalement une musique metal extrême et occulte, lui préférant Judas Iscariot comme précurseur évident, et les atmosphères dépressives; depuis le territoire américain ne cesse pas d'être un vivier (alors que la Scandinavie n'est plus fertile…) pour de nouvelles formations de black fortement intéressantes (pensons à Velvet Cacoon, Wolves in the Throne Room…).
En ce qui concerne Krohm, celui-ci s'est révélé être un des piliers de cette scène black dépressive flirtant avec le doom, qui a émergé au début des années 2000, avec d'abord SHINING puis le succès de FORGOTTEN TOMB, et qui donne aujourd'hui naissance à tant de nouvelles formations intéressantes (mais vu le nombre de sorties actuelles dans ce style, ça risque de ne pas durer…). Le projet a en fait été créé par Numinas en 1995, une première démo, Slayer of Lost Martyrs, a vu le jour en 1997, la deuxième Crown of the Ancients est sortie en 2000 avant d'être rééditée sur cd en 2003 par Selbstmord Services, le défunt label de Kvarforth de Shining, et le premier album, A World Through Dead Eyes a suivi en 2004. Cette intermittence s'explique par le fait que Numinas a été membre en tant que batteur de quelques formations américaines de peu d'importance, notamment de death metal, qu'il a fini judicieusement par quitter, mais surtout il a été membre pendant de nombreuses années du groupe de doom/death culte EVOKEN où il assurait les synthés. L'intégration du doom dans le black metal de Numinas n'est donc pas opportuniste, puisque Numinas ne vient pas de la scène black metal où, et on ne s'en plaindra pas, la vague dépressive est d'actualité et est l'occasion de nombreux side-projets dans le genre.
Comme tout pilier d'un genre, Krohm a, comme il se doit, son style propre, et si The haunting presence fait évidemment écho à A world Throught Dead Eyes, il n'en est pas une redite et a pour caractéristique flagrante d'être plus rapide, étant peut-être en cela plus proche de Crown of the ancients, ce qui peut surprendre au début, mais finalement cette rapidité, le terme est évidemment relatif (par rapport à du Nortt c'est rapide), ce moindre aspect lancinant, n'est pas un mal, car bon nombre de formations de black dépressif font parfois dans le lancinant ultra grésillant et répétitif et s'y enferment au détriment de l'efficacité sur la longueur. Au contraire, cet album est pleinement efficace, avec de bonnes mélodies, ne faisant pas du tout dans le monotone/mono-down-tempo et le répétitif (la vague à la Hypothermia), l'ensemble des éléments du genre est très bien dosé, les morceaux sont mêmes plutôt bien élaborés et construits, et conservent l'aspect typique de Krohm de ne pas faire dans l'ostentatoire ou le trop plein (on est loin de Shining): la voix black est notamment plutôt en retrait et ne fait pas dans les éclats de folie et les hurlements déchirés sans fin ou les pleurs, mais elle est plus posée, tout en étant sombre et exprimant l'affliction. A ce sujet, deux morceaux sont chantés en italien, cela venant des origines italiennes de son unique membre dont le véritable prénom est Dario, un usage qui apporte quelque chose aux déclamations alors plus scandées. Krohm est paradoxalement une musique intimiste, c'est plus la plainte d'une ombre qui confie son désarroi, que la furie d'un damné qui crache son désespoir à la face du monde, à l'image des claviers mélancoliques qui parsèment discrètement l'album, renforçant ainsi la mélancolie. Le côté plus rapide et peut-être plus frénétique des compositions n'enlève en rien l'aspect doom qui les hante, son black doit lui aussi toujours au Katatonia première époque (une des influences majeures du style), mais il n'emprunte pas forcément les fameuses mélodies hypnotiques du groupe (comme Forgotten Tomb) mais d'autres types de sonorités katatoniques. Un très bon deuxième album de black dépressif qui évite tous les écueils du genre.
Adnauseam