NOX INFERI
"Adverse spheres"
Black metal dépressif
Australie
Those Opposed Records, 2008
"Adverse spheres" est le chapitre II de la fameuse série "Desolation Propaganda" éditée par Those Opposed Records, et comme pour les autres chapitres, on retrouve cet album dans la box complète de la série pressée à 50 copies ainsi qu'en digibook A5 en individuel limité à 100 copies. Une fois qu'on a fait le tour de cette série, ce qui ressort c'est qu'à une exception près (Lyrinx), les groupes proposés font tous preuve d'originalité et ont chacun su proposer des productions intéressantes de musique sombre quelque part entre black metal et doom, sans tomber dans les clichés, à une époque où le black metal dépressif semble malheureusement ne pas avoir été épargné par les stérétotypes, les productions sans intérêt, d'autant que le style de base est techniquement encore plus accessible que le raw black...
Nox Inferi est né récemment en 2007 et s'est dispensé de demos puisque ce projet basé en Australie est avant tout une collaboration entre des musiciens géographiquement éloignés qui sont loin d'être des novices en black metal. On y retrouve Nocturnus Horrendus au chant oeuvrant dans des formations portugaises connues de la scène black metal underground comme Morte Incandescente et Corpus Christii. Lurker qui se charge de la batterie est lui basé aux Etats-Unis; membre de Mord (groupe avec Malefic de Xasthur), il a contribué entre autres au maladif Vrolok, ou encore à l'excellent Funeral Mourning (projet défunt du leader de Austere) et a son propre projet solo de black dépressif nommé Toil auquel participe Wraith pour les synthés, la version cassette de l'album Obscure Chasms a d'ailleurs été produite par Those Opposed Records. Wraith est l'instigateur de ce projet, ce qui a donné sa nationalité australienne au groupe. La scène australienne semble décidément regorger de groupes obscurs de qualité ces dernières années. On retrouve d'ailleurs Wraith en tant que "membre semi-permanent" (pour reprendre la terminologie de Azgorh) du projet raw black dépressif Drowning the Light. Tout comme pour Austere, Wraith fait partie de Nazxul (www.myspace.com/nazxul), vieux groupe australien de black / death, plutôt original, qui s'est formé en 1994, qui a sorti son second album en 2009 (la pochette et le logo rappellent également ceux de Nox Inferi) et notamment un surprenant split d'ambient industriel avec les français de Melek-Tha. Pas étonnant donc qu'on retrouve une utilisation de qualité des synthés sur cet album de Nox Inferi.
Cette collaboration triangulaire et géographiquement éloigné qui tend à exprimer qu'en chaque endroit du monde, la lutte contre des sphères ennemies, contre une existence métaphysiquement source de souffrance, fait rage, et qu'on ne saurait manquer de ténèbres et de souffrances en chaque endroit du monde, m'évoque le triple split "Universal void" qui réunit les australiens de Elysian Blaze, D.O.R du Portugal et les anglais de Lyrinx, à part qu'ici c'est une véritable collaboration et une création commune où les individualités s'effacent pour créer un groupe à nouvelle personnalité. En effet, Nocturnus Horrendus ne fait pas ici du Corpus Christii, son chant est ici bien plus lamentatif et bien moins brut. Il ne s'agit pas d'un chant black hurlé comme bon nombre de formations de black dépressif qui tentent sans succès ni capacités vocales et émotionnelles de copier le chant de Burzum. Son chant rappelle plutôt le style de chant des premiers Katatonia ou encore Beatrik (qui y puise son influence). Et puis, on sent avant tout un projet travaillé, une véritable collaboration, et non un simple projet "fun" entre musiciens qui se connaissent.
Au premier abord, j'ai été un peu arrêté par cette pochette que je ne trouve pas forcément évocatrice avec cette statue d'ange diabolique portant une croix inversée en lieu et place des statues funéraires portant une croix... Pourtant, "Adverse spheres" est un album qui se distingue bien de cette fourmilière de groupes plutôt minimaliste émergeant actuellement, qui semble s'inspirer maladroitement de Hypothermia qui a inauguré un style répétitif, inhibant, hypnotisant, mais prenant, que certains ont totalement désincarné en en reprenant juste une forme aseptisée, probablement attirés par son accessibilité technique et ne produisant au final que quelque chose de plat.
La musique de Nox Inferi ne joue pas dans cette cour et sa musique est tout sauf plate et est donc véritablement prenante. Il n'y a pas de morceaux sans fin (comprendre lassant), ou répétitifs, on sent vraiment du contenu (et non du remplissage) sur toute la longueur pleinement justifiée des morceaux. Les morceaux longs et étouffants comme il se doit, sont composés de parties languissantes et de frénésie, qui lui donnent un coté épique qui exprime au mieux le tragique (qui semble disparu de la nouvelle génération du black dépressif post-ado qui semble pleurnicher sur les affres de la vie quotidienne...). Niveau atmosphère, Nox Inferi m'a un peu rappelé Ancient Wisdom, peut-être à cause de l'imagerie diabolique de la pochette et parce qu'aussi on y sent une certaine force, celle de faire face au tragique, au lieu d'un désespoir faible. La qualité des synthés de Wraith est pleinement à souligner, qu'ils s'agissent de sonorités atmosphériques sombres, ou d'ambient flirtant par moment avec l'industriel tant ils contribuent inévitablement à l'aspect sombre et prenant de "Adverse Spheres". Un très bon album de black dépressif, émotionnel et sombre, à ne pas classer dans les désormais stéréotypes de ce style.
Adnauseam