SEPIA DREAMER
"The sublime"
Metal atmospherique progressif
Suède/Royaume-Uni
Galactic records, 2007
Le sublime se distingue du beau, en ce qu'il produit un sentiment mêlé de peur et d'admiration, c'est par exemple admirer la beauté d'une tempête mais à la condition d'être observateur en étant à l'abri, et non pris dedans. Ce n'est pas un hasard, si ce duo de patrie différente, a intitulé son second album ainsi, car l'album s'est inspiré justement d'un tableau de 1840 de Joseph W.TURNER intitulé "Slave ship" qui illustre une tempête en mer et le pouvoir destructeur de la nature, mais qui n'est étrangement pas le dessin choisi pour la couverture.
Lorsque je dis "inspirer", il faut comprendre que c'est bel et bien musicalement que le duo a cherché à exprimer la force de ce tableau car SEPIA DREAMER est un projet instrumental qui n'inclue aucune voix, aucune narration, aucun chœur. La démarche est évidente: se laisser guider par les émotions et non par des textes ou voix qui probablement ne pourraient pas exprimer ce que les deux compositeurs veulent transmettre. Et ce n'est pas à tort qu'on devine une musique métallique atmosphérique et progressive. Sur le premier album, Portraits of forgotten memories, SEPIA DREAMER proposait 8 morceaux à la durée classique mais qu'il fallait percevoir comme les 8 parts d'un seul morceau. Sur ce nouvel album, la démarche est un peu la même, mais les morceaux ont considérablement augmenté puisqu'il n'y a ici que 4 morceaux pour 44mn, les deux morceaux centraux étant d'une durée de plus ou moins 15mn, mais on est dans l'idée d'un processus à l'œuvre comme l'indique les titres: "Gateway", "The exposition", "Development", "Capitulation". Le premier morceau est une très bonne intro sombre au synthé de 2mn, mélancolique et éthérée avec une touche des groupes de Eibon, puis dès le deuxième morceau l'ensemble de l'instrumentation fait son apparition: guitare, basse, batterie se superposent aux nappes omniprésentes, riches et efficaces de synthés. L'ensemble est plutôt mid tempo, posé comme face à un tableau et on laisse fuser les émotions: les guitares toujours mélodiques parfois s'intensifient, ou alors deviennent plus planantes au fur et à mesure que les émotions fusent. On sent dans certains sonorités des origines plus extrêmes, "the sublime" versant dans le dark metal (les premiers OPETH par exemple) ou le doom, et une mélancolie diffuse, cependant jamais on ne tombe dans la tempête, le chaos ou le désespoir, comme un souffle qui se retient, mais je pense qu'on c'est cela qu'on vous nous transmettre.
Au final, je trouve que l'ensemble manque d'emphase, de bouleversement, comme si on contemplait le tableau tranquillement chez soi. L'album évoque plus la pochette de l'album que le tableau qui a inspiré la musique. Pas de moment de tempête ou de désespoir profond, mais après tout c'est le regard du spectateur face au sublime dont il s'agit et non du personnage en proie aux événements. Cet album est cependant tout à fait honorable : il y a de très bons moments, un certain vague à l'âme s'en dégage, et la démarche est vraiment intéressante. Les synthés sont également très bons. On notera aussi de bonnes mélodies de guitare malgré parfois un côté un peu "solo". Mais malgré l'aspect progressif des morceaux, leur évolution, l'absence de couplets/refrains, je pense que "The sublime" aurait pu être cependant plus prenant, car une certaine monotonie s'installe.
Adnauseam
Joseph Mallord William Turner "Slave Ship" (1840)