VISCERAL EVISCERATION
" Incessant Desire for Palatable Flesh "
Doom death atmospheric
Napalm Records, 1994
Bien qu'amateur de doom au début des années 90, je suis malgré tout passé à côté de certains groupes découverts longtemps après à l'aune d'internet, puisqu'à l'époque pour accéder aux productions, soit on les achetait soit on avait dans notre entourage quelqu'un qui avait l'album ou une copie sur cassette. L'accès était ainsi limité mais cela avait son charme. Visceral Evisceration fait donc partie des groupes doom que j'ai zappé à tord à l'époque, à l'instar de Enchantment, Winter, ou encore Disembowelment, pour différentes raisons, la principale étant que ces groupes ne me paraissaient pas correspondre à mes attentes en doom qui était pour moi avant tout le doom/death atmophérique avec une imagerie mélancolique et poétique, imagerie dont Visceral Evisceration était outrancièrement éloigné ! Je me méfais aussi à l'époque des groupes faussement doom, bien plutôt "death/doom", concrètement des groupes de death metal avec des passages doom, bien éloigné de l'aspect "gothique" des groupes que j'affectionnais (le terme ayant bien-sûr un sens différent à l'époque que le terme galvaudé d'aujourd'hui). C'est donc près de 25 ans plus tard que je me suis penché sur le cas Visceral Evisceration, m'appuyant sur la révision de mon jugement de Winter (avec son doom urbain devenu culte pour la nouvelle vague doom liée au post-core) et Disembowelment malgré son nom à connotation death metal. Pour Visceral Evisceration, il y avait un plus gros blocage : le patronyme mais aussi la pochette, les titres de l'album et des morceaux, bref cet univers gore qui suintait de partout. Mais à l'écoute, ma réaction a été de la stupeur : la musique de Visceral Evisceration est étonnement proche du Paradise Lost de l'album Gothic, bien plus que certains clônes officiels de Paradise Lost.
Visceral Evisceration a vraiment le sens de la mélodie, avec des mélodies prenantes, émotionnelles, entrainantes ou mélancoliques, sur toute la durée de morceaux, parfois de plus de 10 minutes. Pour lever totu doute, il n'y a aucun élément death metal dans leur musique : si on retrouve fréquemment chez les groupes de doom/death atmo des 90's de petites résurgences death metal dans les parties frénétiques (pensons aux débuts de My Dying Bride), ce n'est pas le cas de Visceral Evisceration. La voix elle-même n'est pas des plus graves : elle est proche du timbre de Nick Holmes sur Gothic en moins grave. On peine vraiment à imaginer un folklore gore là-dessus, pourtant les titres nous le rappellent bien : cette musique évoque peut-être le trouble émotionnel du sadique, du pervers, du tueur en série ?!? En tous les cas, cet album est vraiment très bon et ne peut qu'être recommandé aux adeptes de Paradise Lost première époque. Si bien des groupes se revendiquent de Paradise Lost, il y a au final quasi aucun groupe doom gothic avec un son proche de l'album Gothic. Force est de reconnaitre que Visceral Evisceration en est l'un des plus proches avec pourtant une identité éloignée du groupe. On retrouve même une voix féminine soprano similaire à celle qui hante l'album Gothic, qui propose toutefois sur le sixième morceau une variante hystérique réussie. Ce sixième morceau évoque aussi par moment l'instrumental "Lost Paradise".
J'avais eu le même genre de surprise lors de ma découverte d'un autre groupe que j'apprécie énormément : Gothic Sex qui porte probablement l'un des noms les plus ridicules de la mouvance dark, a proposé avec Laments un album où l'on retrouve le son particulier de Paradise Lost sur Gothic, cela en durcissant sa musique qui était intialement dans le champ du gothic rock, avec une voix proche de Midnight Configuration (pas terrible pour le coup), et des mélodies frénétiques, le tout baignant dans un folklore sado-masochiste et fétichiste loin de Paradise Lost.
J'en suis presque à regretter que l'histoire de Visceral Evisceration, débutée en 1991, limitée à la demo Savour of the Sething Meat en 1993 et à cet album en 1994 (reprenant les morceaux de la demo) se soit arrêtée si tôt en bon chemin, bien que je les ai ignoré à l'époque. Un nouveau tournant semblait d'ailleurs avoir été pris par le groupe en 1995 en adoptant un nouveau patronyme avec As I Lay Dying, semblant ainsi se dépouiller de son folklore gore ostentatoire (bien que sur les photos promo, le groupe avait une imagerie doom sobre). Seule une demo comportant 3 titres est sortie et le groupe a finalement disparu, se faisant même volé ce sympathique patronyme par un groupe de metalcore qui depuis a fait carrière… En 2017 devait sortir sur Vic records une compilation regroupant les demos de Visceral Evisceration et de As I Lay Dying.
Il faut préciser que sur la plupart des éditions de cet album (difficiles à trouver), il y a une pochette alternative (l'originale étant à l'intérieur du livret), sobrement noire avec le logo "parental advisory", piètre gloire de la censure qui fait écho aux ridicules pochettes de Cannibal Corpse. Au final ce design noir colle bien mieux à la musique du groupe.
Visceral Evisceration a été l'une des premières productions du label autrichien Napalm Records, la 4eme pour être précise, et c'est aussi la production qui inaugure une sortie du champ du death metal (après des albums Wombbath, Suffer, Disastrous Murmur) et qui marquera le début d'une série de productions intéressantes sur le label comme le premier album de Abigor qui sortira la même année, et des groupes comme Belmez, Dismal Euphony, Summoning, etc.
Adnauseam (2018)
Pour approfondir le groupe : interview sur Doom-metal.com