SACRAMENTUM
Undertown, Meyrin (CH)
24 novembre 2023
Je ne vais pas souvent à l'Undertown à Meyrin, une salle de l'agglomération genevoise, mais j'ai pu y voir quelques bons concerts emblématiques de black underground : Sargeist, Seth (2 fois), un style qui n'a toutefois jamais été très valorisé à Genève malgré la qualité de concerts underground qu'on peut y trouver, même si quelques pointures du style passent ponctuellement comme dernièrement Mayhem, Enslaved et niveau underground l'excellente asso Drone to The Bone avait fait passé quelques groupes underground vraiment intéressants (pensons à Wayfarer alors inconnu, Darkspace ou encore Acherontas que j'ai loupé).
Ascension et chute
Cette venue de Sacramentum à proximité, était un véritable privilège (cela change des longs trajets ou voyage à faire pour arriver à voir certains groupes). Comme bien des groupes des années 90, Sacramentum s'est reformé discrètement, sans crier gare, en 2019. Depuis ont suivi des rééditions, des concerts en festival et même une tournée aux USA (et une nouvelle s'est mise en place en 2024). Cette date étant complètement isolée, organisée en fait par Stortregn, groupe genevois existant depuis 15 ans qui fêtait ce soir le vernissage (un concert marquant la sortie d'un album, un concept sympathique fréquent en suisse) de son sixième album Finitude. Disparu en 2001, Sacramentum s'était affadi comme bon nombre de formations glorieuses des années 90. Trois albums ont vu le jour, Far Away From the Sun sorti en 1996 sur Adipocere (après la réédition de leur mini album Finis Malorum) qui avait enclenché une forte notoriété qui leur permettra d’accéder à un gros label avec Century Media. Malheureusement vers 95-96, les gros labels metal ont commencé à s'intéresser à ces groupes novateurs venus de l'underground et percevant leur potentiel et leur arrivée sur ces label qui leur a élargi leur public a souvent coïncidé avec une perte d'identité, une distorsion de leur musique, voire un égarement? Sacramentum illustre bien ce phénomène…
Parmi le flot des reformations de groupes des 90's qui jouent ponctuellement, j'avais effectivement fixé comme objectif d'arriver à capter Sacramentum, groupe emblématique de la scène black des 90's et particulièrement de la mouvance black mélodique, provenant de Suède, courant dont le groupe le plus connu est Dissection mais dont Sacramentum suit directement sur la liste des représentants, parmi d'autres groupes en général suédois, Suède qui avait déjà vu émergé la mouvance death mélodique.
Stortregn
Cette date a été organisée par le groupe genevois Stortregn qui les ont invité à l'occasion du vernissage de leur sixième album, puisque Sacramentum comptait parmi leurs influences à leurs débuts. En effet, le groupe œuvrait initialement dans le registre du black metal mélodique à la suédoise. L'artwork du deuxième album, Angel of Light, en 2013 avait d'ailleurs été réalisé par le célèbre Necrolord qui avait notamment réalisé la pochette du Storm of the light's bane de Dissection (et la plupart de leurs pochettes) et de Far away from the sun de Sacramentum. Depuis, le groupe s'est éloigné de ce style. Je connaissais mal Stortregn mais effectivement quelques vieux titres ont été joués et confirment bien cela. Leur style actuel s'est clairement émancipé de leur style originel inspiré par ces groupes. Merci en tout cas à Stortregn pour cette excellente initiative pour marquer leur vernissage et cet hommage personnel. Juste avant eux, un groupe genevois ouvrait la soirée, Fun At The Morgue. Je n'ai pas assité à leur set qui était dans un style plus death. Venons-en à Sacramentum dans sa version 2023.
Far Away From The Sun
Le trio orginel qui avait présidé à la reformation a rapidement perdu l'un de ses membres avec Nicklas le batteur, également chanteur guitariste dans Runemagick, reformé lui aussi en 2017 (après à un split en 2007). Il ne reste donc que 2 membres du trio originel et le line-up live monte désormais à cinq membres, le chanteur ayant délaissé la basse et deux guitares étant incontournables pour rendre la mélodicité du premier album qui est au cœur de cette reformation. Le chanteur ne joue donc plus de basse (après avoir tenu dans un premier temps la guitare entre 92 et 94) et se consacre uniquement au chant et visiblement il met à profit cela pour théâtraliser sa performance au maximum quitte à faire grand guignol… J'ai été franchement surpris car si l'occultisme est une composante conceptuelle de Sacramentum (comme elle l'était de manière significative chez Dissection), le côté grand guignol en casse l'aura.
Il y a d'ailleurs un décalage entre des musiciens sobres et efficace, un peu en uniforme avec leur gilet noir avec un patch Sacramentum à l'avant et ce chanteur grand guignol, qui en fait des tonnes en gesticulations et en grimaces, ce qui fait un vrai décalage. Il s'est aspergé à plusieurs reprises d'un "liquide ressemblant à du sang"; il en a même barbouillé les playlists à la fin du concert avant des les offrir. Il semblait encore tout fou après le concert, en sortant de sa loge (elles sont à coté des toilettes vers la sortie de la salle) en plaisantant avec des gens du public, ravis de le croiser. En bon point pour le côté theatral, les morceaux sont séparés par des interludes ambiant occulte avec des narrations par le chanteur constamment au premier plan. Au niveau du contenu, on a eu droit vraiment au meilleur puisque Sacramentum s'est centré sur l'excellent album Far Away From the Sun qui a été joué dans son intégralité, et dans sa continuité originelle, et force est de constater que les morceaux rendent vraiment très bien en live et que l'aspect mélodieux a été très bien restitué. Les albums suivants sortis chez Century Media sont en effet nettement moins, et avec le recul le groupe en a probablement conscience car seuls 2 morceaux ont été joués "The coming of chaos", le deuxième album, d'un très bon choix avec "Dreamdeath", le morceau d'ouverture, puis "Awaken the chaos", un excellent morceau toute période confondue, et la transition entre les deux albums a été assurée avec brio avec l'excellent instrumental "Abyss of Time" enchainé via l'outro de Far Away. Aucun titre du dernier album donc de Thy Black Destiny sorti en 1999 et qui est sans grand intérêt.
Bilan
En conclusion, ce concert rare et inattendu, était incontournable pour tout amateur de black metal des années 90, particulièrement pour ceux qui ont vécu cette époque musicalement exaltante. Le peu de public présent ce soir là était bien surprenant pour un tel groupe de référence, d'autant qu'une partie du public était là surtout pour le vernissage de Stortregn et que personne ne semblait avoir fait de grand déplacement. Comment l'expliquer ? Peut-être une promotion insuffisante et trop modeste, en ne présentant pas le groupe comme culte et sa présence comme un événement. Le groupe lui-même n'a évoqué le concert que quelques jours avant. Cela semblait déjà le cas pour Sargeist et Seth (qui lui aussi avait fait un concert très axé sur leur premier album), mais ce soir il y avait encore moins de monde. J'ai pu constaer aussi cela pour Ancient en Italie qui y jouait son premier album : pas énorement de monde et un public peu connaisseur. On ne trouve d'ailleurs pas d'images de ce concert sur le net... En tout cas, ce fût un concert excellent et c'est toujours plus confortable qu'un concert sold out pour sûr, mais c'est probalement peu motivant pour le groupe et les organisateurs.
Adnauseam