01/03/2009
La Locomotive, Paris
par Adnauseam
De passage à Paris, je ne pouvais faire l'impasse sur ce concert de Tiamat, d'autant qu'il m'était impossible d'assister à leur date à Lausanne, et qu'il n'y avait pas l'embarras du choix sur les dates avec une seule date en France et deux en Suisse pour les frontaliers... Ce sera aussi l'occasion pour moi de découvrir la sympathique salle de La Locomotive accolée au Moulin Rouge qui voit se dérouler tant de bons concerts underground en tout genre comme celui de ce soir organisé par Garmonbozia. Les possibilités de voir Tiamat ne sont pas très nombreuses, j'avais toutefois déjà eu la chance de les voir à Vevey (Suisse) le 1er octobre 2002 pour la tournée de Judas Christ, avec en première partie PAIN qui n'en était encore qu'à ses débuts sur scène et n'avait pas la carrure d'une tête d'affiche. Cette tournée "Hellhound" annoncée de longue date avec des groupes de grosses carrures se verra réduite puisque pour des raisons de managing SCREAM SILENCE, nouveau venu allemand en gothic metal, et surtout NOVEMBRE, vieux groupe de dark metal italien que les vieux fans de Tiamat connaissent probablement, ont été annulés de la tournée, chacun étant alors embarqué sur d'autres tournées...
AVA INFERI
Malgré un amincissement de la tournée ramenant à trois les 5 groupes initiaux, la soirée débute comme si de rien n'était vers 19h, avec pour résultat le ratage assuré par une grande partie du public de AVA INFERI, moi-même inclus, Paris semblant fonctionné sur des horaires aussi tôt et fâcheux qu'à Lyon. Ce n'est donc qu'aux 10 dernières minutes de la prestation de AVA INFERI que je n'ai seulement pu assister. Bien dommage car même si leur premier album Burdens ne m'avait absolument pas convaincu, on sent toutefois un potentiel certain dans ce groupe. Il faut aussi dire, et ça le live me l'a confirmé, que Blasphemer, ex-Mayhem, a l'air nettement plus motivé dans ce projet de doom que dans le routinier Mayhem. Pour rappel Blasphemer, qui a d'ailleurs abandonné son pseudo à jamais pour son vrai nom Rune Eriksen, avait quitté officiellement la légende agonisante par manque de motivation. Un groupe plus sobre, moins méchant, avec pour frontman Carmen Susana Simoes, toute vêtu d'un blanc cérémoniel, jouant de la cymbale, et qui se retirera après avoir répandu de l'encens; des clichés certes mais efficaces et non maladroits pour le coup et apportant une atmosphère, une fois n'est pas coutume. Il n'y a pas à chercher dans Ava Inferi la fameuse caricature du groupe à chanteuse avec la Nightwish attitude, car malgré une voix lorgnant vers l'opera, AVA INFERI fait dans le doom, bien qu'il y manque quelque chose de tragique toutefois.
THE 69 EYES
La prestation de THE 69 EYES est évidemment très attendue vu la notoriété du groupe, on aurait même pu penser que le groupe aurait été en tête d'affiche. Quoiqu'il en soit la prestation sera suffisamment longue pour que la place sur l'affiche importe peu. Le public présent semblait réellement fan, même si la salle n'était pas pleine à craquer. Pour ma part, j'ai apprécié et saisi cette opportunité de voir 69 EYES mais je ne serais probablement pas venu si le groupe n'était le special guest de TIAMAT, soyons clairs. Ce n'est pas vraiment le même délire qui unit les deux groupes. Rien de tragique ou de profond chez 69 EYES, le groupe est purement un groupe de rock n'roll dans l'âme, et cette prestation n'a fait que le confirmer.
Certes Jyrkki 69 est devenu une icône gothique, comme Pete Steele un temps, et comme lui il n'a pas toujours été « gothique ». Il a surtout toujours été « rocker » comme nous le rappel le titre du même nom joué ce soir tel un hymne, "I'm a rocker", du dernier album Angels. En effet, 69 Eyes est devenu un groupe gothique à partir de 1997, mais s'est en fait formé en 1991 et au début le groupe se revendiquait des Ramones, avec un look pour le coup non gothique, un passé qui semble un peu caché (comme Pantera...). Le groupe a toutefois joué ce soir encore avec son imagerie gothique très à la mode, le titre "Gothic girl", pour l'occasion dédicacé à toutes les filles qui s'habillent en noir (de nombreuses fans ce soir, sans surprise certes, mais pas seulement, la gente masculine composé de "rockers de tous bords" semblait être bien présente) le confirmera, mais avouons qu'à chasser le naturel, il finit bien par revenir, car depuis Devils, le groupe a viré clairement goth n'roll, c'est l'une des marques de fabrique du groupe qui a bâti son style à la rencontre du gothic rock lignée Sisters of Mercy époque "Floodland/Vision thing", la mauvaise époque donc, avec du metal et du punk. J'ai l'impression que le groupe extrait du goth la substantifique mœlle rock.
Mais avouons toutefois que 69 EYES sait pondre de très bons morceaux qui expliquent son succès comme pour ce soir: "Gothic girl" déjà cité mais aussi "Christina Death" (surement un jeu de mot avec Christian Death) ou encore "Dance d'amour" où malgré le titre, le groupe nous rappelle qu'ils sont rock n' roll et qu'ils ne chantent pas pour un amour platonique mais qu'ils nous parlent d'un amour sexuel, car ce sont des rockeurs : ainsi le batteur bien plus visible que dans beaucoup de formations, outre de crier dans le micro par moment, nous a mimé des gestes sexuels à l'aide de ses baguettes, certaines ont dû adorer... Ce ne sera pas là le seul numéro proposé ce soi r: Jyrky 69 tourne sur lui-même "avec classe" quand ce n'est pas un tour de manège à trois, chacun tournant à son rythme et dans un sens. Et puis Jyrky est joueur, n'hésitant pas à placer les titres même de ses chansons dans les dialogues avec le public nous rappelant que "Paris kills" ou encore que nous allons rester là jusqu'à "Wasting the dawn". Pour le dernier morceau, 69 EYES optera pour un morceau clairement rock 'n roll, "L.A. Night", peut-être une reprise ou un morceau de leur vieux répertoire, en faisant participer et répéter le public. Le reste de ce qui a été joué ce soir n'appartient qu'à la deuxième époque "goth" du groupe, et plus précisément aux quatre derniers albums.
Playlist The 69 Eyes:
Framed in blood (de Blessed Be)
Never say die (de Angels)
Gothic girl (de Blessed Be)
Rocker (de Angels)
Christina death (de Devils)
Dance d'amour (de Paris Kills)
Stolen season (Blessed Be)
Feel berlin (de Devils)
From dusk til dawn
Perfect skin (de Angels)
Stigmata (de Paris kills)
Brandon Lee (de Blessed Be)
Devils (de Devils)
Rappel:
Lost Boys (de Devils)
L.A. Night
TIAMAT
Assez rapidement après, arrive TIAMAT avec qui on pénètre dans une autre fange du gothic metal, l'histoire des deux groupes étant bien différentes: quand 69 EYES faisait du hard rock glam de seconde zone, TIAMAT faisait une musique au confluent du doom, du death atmosphérique et du black, TIAMAT étant né des cendres de Treblinka, étant un incontestable précurseur de bien des choses et de groupes parfois de qualité qui tenteront de le copier sans jamais l'égaler. Bien-sûr, aujourd'hui TIAMAT est bien loin de ces premières années qui auront été marquantes pour ceux qui les ont connues comme votre serviteur, pourtant si la forme a beaucoup évolué, et si chaque nouvelle étape a pu déstabiliser, force est de constater que tout au long de sa carrière, la qualité et l'émotion ont toujours été là. Charisme, authenticité, émotion et profondeur, c'est bien ce qui pourrait résumer une prestation de Tiamat. Tiamat est bien loin de cette priorité donnée à l'esthétisme, du moins au look et à ses codes, comme l'atteste le baggie bleu de Johan Edlund bien loin des codes dark. Et pourtant, le charisme est incontestablement là et Johan fait bien plus sombre que n'importe quel gugus goth fashion. Pourtant, on retrouve des éléments de l'univers « dark » telle que cette croix renversée loin évidemment de l'univers sataniste (imagerie qui a fait son retour dans Tiamat avec Prey, aussi bien sur les sessions photos ou encore le titre "the pentagram") qui prend une autre dimension telle que la damnation, malgré de grosses lunettes noires volontairement disproportionnées qui après retrait laisseront apparaître des yeux sombres dont le maquillage a coulé, donnant l'impression de larmes noires qui ne peuvent qu'aller à merveille à Johan.
La part belle sera évidemment faite au dernier album "Amanethes", un album que j'ai trouvé particulièrement bon. Certes depuis quelques albums Tiamat évolue moins et propose une variété de morceau qui surprend moins, certains plus goth, certains plus atmo, des ballades, mais quelque chose m'a particulièrement charmé sur ce dernier album. Et la prestation de ce soir n'a fait que confirmer que Tiamat est loin d'être entré comme beaucoup dans une routine et que l'inspiration est toujours autant présente. Le concert débute avec "Will they come?", morceau mid tempo atmosphérique, puis enchaîne avec un morceau complètement différent du même album "Raining dead angels", plus "enjoué" si l'on peut dire, nettement plus énergique. De ce même album seront joués l'incontournable "Until the hellhounds sleep again", un morceau qui restera à coup sûr un classique de Tiamat, très désenchanté, avec la voix grave de Johan, ainsi que le très bon "Via dolorosa", un autre morceau exprimant la souffrance loin des clichés, qui nous dépeint un chemin de souffrance, qui exprime bien l'attrait de Johan pour un folklore religieux sans Dieu ni sens. Ce morceau par son texte fait clairement écho à "Carry your cross and I'll carry mine", morceau qui ne sera pas joué ce soir, par contre de l'album Prey, seront joués le morceau "Cain", "Wings of heaven" ainsi que le très bon et mélancolique "Divided" où les parties de voix féminines originelles sont exécutées par le guitariste ?!?. Le grand absent de Amanethes sera l'excellent "Temple of the crescent moon" qui ouvre ce nouvel album.
L'autre aspect du Tiamat de cette dernière époque c'est le cynisme, peut-être plus marqué à l'époque de Judas Christ, album dont Tiamat ne pouvait faire l'impasse, avec son incontournable hit, "Vote for Love", qui sera enchainé avec le très bon "For her pleasure". De Skeleton Skeletron, sera également joué "Brighter of the sun", morceau teinté gothic rock qui a également donné lieu aussi à un clip avec des relents à la Sisters époque Floodland qui peut créer le lien avec 69 EYES ce soir. Judas Christ et Skeleton Skeletron malgré des morceaux mélancoliques témoignent peut-être d'une époque de Tiamat plus marqué par le cynisme, et un folklore plus léger qui trouvera d'ailleurs dans son aboutissement dans le projet Lucyfire, alors que l'album Prey marque un retour à un folklore plus tragique.
Cette soirée aura permis de faire le tour de l'univers de Tiamat. Ce qui ressort cette fois-ic encore, c'est une playlist bien ficelé qui a permis de faire le tour des albums et des périodes sans les séparer, en créant une unité. Ainsi, la période mystique de Tiamat n'a pas mise en reste avec d'une part l'étrange album A Deeper Kind of Slumber qui je dois dire m'avait déstabilisé à sa sortie, qui avait marqué une rupture dans la carrière de Tiamat et qui au final reste un album vraiment bon, avec là encore un hit si l'on peut dire avec "Cold seed" puis le planant "Phantomas de luxe". Bien dommage que le titre "Teonanacatl" ne soit jamais joué, mais bon l'album datant de 2001, il ne fait pas partie des morceaux conservés. Bien que très différent, doom et atmosphérique, l'album précédent Wildhoney est très mystique aussi, et surtout tragique. C'est l'acoustique "Do you dream of me?" qui est mis à l'honneur. Malheureusement, "Whatever that hurts" et "The Ar" ne sont désormais plus intégrés à une playlist bien consistante. C'est toutefois l'atmosphérique "Gaia" qui clôturera le concert après trois rappels de façon très charismatique, Johan donnant l'impression d'un prophète (prophète du tragique qu'il est depuis le début sous des formes bien différentes) malgré l'absence de théâtralité, l'authenticité étant le maître mot après une prestation émouvante face à des musiciens qui ressentent clairement leur musique pour sûr qui en émane. Tout ne peut être joué, plusieurs personnes ont d'ailleurs réclamé "So Much for Suicide" de "Judas Christ". La bonne surprise sera toutefois l'éternel "Sleeping Beauty" du cultissime Clouds (1992 !) en cours de rappel, où l'on y sent beaucoup de frénésie et d'entrain, tout en supprimant la partie un peu" bourrine" du milieu, un dernier témoignage de la première époque doom du groupe, mais assurément pas le dernier écho...
Playlist Tiamat :
Will they come ? (de Amanethes)
Raining dead angels (de Amanethes)
Cain (de Prey)
Until the hellhounds (de Amanethes)
Do you dream of me ? (de Wildhoney)
Divided (de Prey)
Vote for love (de Judas Christ)
For her pleasure (de Skeleton Skeletron)
Phantomas deluxe (de A deeper kind of slumber)
Brighter than the sun (de Skeleton skeletron)
Wings of heaven (de Prey)
Cold seed (de A deeper kind of slumber)
Rappel:
Via dolorosa (de Amanethes)
The sleeping beauty (de Clouds)
Gaia (de Wildhoney)
Video par Khayman22666
Merci à Queen Mira pour les photos et la compagnie pendant le concert.